Par HICHAM OULD BOUALLALA
La lecture de la presse électronique quotidienne nous mène a soulever une remarque très importante : la négligence du rôle des magistrats en général et des magistrats du ministère public en particulier.
Cette omission peut s’expliquer par le fait que ce corps n’est pas visible au public, puisqu’ il travaille dans l’ombre, au sein des tribunaux.
Et si on est d’accord que la pandémie du coronavirus (covid 19) a impacté presque, tous les secteurs de l’activité quotidienne des citoyens et des administrations publiques. Cependant, cet impact reste relatif à l’égard de l’administration judiciaire: la justice est un service public essentiel à la vie des citoyens, il ne sera donc pas possible de cesser totalement l’activité et de fermer les portes des tribunaux.
Depuis l’annonce des mesures d’état d’urgence sanitaire par le gouvernement marocain par le décret N°2.20.292 du 23/03/20 et le décret N°2.20.293 du 24/03/20 (promulgués le 24/03/20 par bulletin officiel n 6768). Cette institution s’est vue placée en premier rang pour remplir sa mission traditionnelle qui n’est autre que la protection de la société contre le crime et prendre les mesures adéquates imposées par la conjoncture actuelle : faire face à la propagation de cette pandémie.
Etant donné que le ministère public est un volet indispensable de la justice pénale et garant de la bonne application de loi, on s’intéresse surtout au champ d’action de ce corps pendant l’état d’urgence sanitaire, ainsi qu’au rôle qu’il pourra avoir pour la réalisation de cette justice pénale tout au long de cette période très particulière.
Afin de mieux éclaircir les attributions du ministère public, on va essayer de développer notre sujet en 2 grandes lignes :
A -le champ d’action du ministère public durant l’état d’urgence sanitaire
B -la réalisation de la justice pénale durant la période de l’état d’urgence
A -le champ d’action du ministère public durant l’état d’urgence sanitaire
En sus du rôle traditionnel joué par les magistrats du ministère public en temps normal, la loi de l’état d’urgence sanitaire a ajouté d’autres attributions à cette institution.
Dans cette perspective les magistrats du parquet sous directives du président du conseil supérieur de la magistrature ; et instructions du président du ministère public, ont mis en œuvre certaines mesures pour assurer la continuité du service de la justice et éviter la propagation de la pandémie. à savoir
-mettre à la disposition des justiciables, avocats et citoyens des lignes téléphoniques et adresses email à toute fin utile : demande d’informations, dépôts de plaintes, déclarations d’infractions de la loi…
-procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche des auteurs aux infractions de la loi pénale ce qui nécessite le devoir d’être en permanence en contact directe avec les officiers de la police judiciaire ;
-étudier les procès-verbaux lors de la présentation des personnes soumis à la garde à vue ;
– assurer les permanences au sein des parquets aux tribunaux ;
-assister aux audiences de comparution immédiate, devant le juge, après la garde à vue ;
-être présent dans les audiences de la chambre correctionnelles et chambre correctionnelle d’appel dont la présence des détenus est obligatoire ;
-protéger les mineurs délinquants, après présentation au parquet en évitant leur incarcération qu’en cas d’extrême gravité ou nécessité après présentation ;
-enquêter sur les auteurs d’infraction de la loi pénale et surtout ceux qui propagent les « fake news » ou informations mensongères sur le coronavirus et qui ont pour but de porter atteinte à l’ordre public et nuire à la stabilité de la société.
-éviter tout contact entre les détenus et le public lors de leur comparution devant le juge.
Toutes ces mesures prises dans tous les tribunaux du royaume chérifien ont un but noble : la protection de toute personne qui fréquente les institutions de la justice de ce virus.
Mais comment équilibrer entre les libertés et les restrictions de la loi en cette période ?
B -la réalisation de la justice pénale durant la période de l’état d’urgence
Le ministère public est une institution de l’Etat qui veille à la bonne application de la loi et la protection des droits et libertés des citoyens qui sont les fondements de l’Etat de droit ; et la loi de l’état d’urgence sanitaire a, en quelque sorte, limité la jouissance des citoyens de certains droits ou libertés, notamment la liberté de circuler, d’exercer les cultes et la jouissance d’une vie normale.
La particularité de cette période nécessite des pouvoirs publics de prendre les mesures et dispositions nécessaires pour l’application de l’état d’urgence et par conséquent toute personne ne doit pas circuler que dans les cas extrêmement limités par la loi, sinon il y aura violation de l’état d’urgence sanitaire.
D’où deux difficultés surgissent :
• L’interprétation de « toutes mesures et dispositions » prises par les pouvoirs publics pour l’exécution de l’état d’urgence sanitaire.
• l’appréciation « des cas d’exception » à l’état d’urgence sanitaire.
La réponse à ces difficultés doit être faite en considération de La protection de la société contre une menace sanitaire grave ; et de la protection d’un autre droit fondamental à la continuité et la pérennité de la société : le droit à la santé.
Cette protection à double facette devient un atout majeur. de ce fait, ces mesures deviennent par force de la loi ,une loi. l’article 4 du décret N° 2.20.292 rend punissable toute violation à ces mesures et dispositions même celles prises par les walis et gouverneurs. par conséquent, les magistrats du parquet doivent prendre en considération _lors des poursuites_ l’intérêt de la société et surtout l’impact de ces mesures et dispositions vis-à-vis du citoyen et de la société.
En d’autres termes, le magistrat du ministère public est avant tout un membre de la société. Dans ce sens, un vieil adage arabe dispose « le juge est fils de son environnement », d’où il en résulte que l’appréciation de la gravité de violation de la loi de l’état d’urgence sanitaire dépend de la conscience et l’intelligence du magistrat.
En outre, la loi de l’état d’urgence sanitaire _ jusqu’ à son expiration prévu pour le 20/04/2020 à 6 heure du soir_ a reporté l’application des délais de procédures civiles et pénales édictés par les lois en vigueur et de toutes les audiences publiques sauf :
– les contentieux d’extrême urgence ;
-les procès pénaux relatifs aux détenus ;
-les appels aux jugements relatifs aux affaires des détenus ;
-les délais de la garde à vue ;
-les délais de la détention préventive.
En somme, le magistrat accomplie ses fonctions et taches en toute assiduité et abnégation, abstraction faite aux circonstances, aux côtés de ses confrères d’autres domaines dont la conjoncture a obligé leur présence.